mercredi 29 février 2012

Mélenchon "Terrorise" Cohn-Bendit!

C'est paru le 27 février dans "Le Club" de Mediapart, sous le titre: "Pour l’Europe: ni Merkozy, ni Mélenchon", accompagné du résumé suivant:
Alors que le Mécanisme européen de stabilité est soumis mardi au vote des sénateurs français, «prêter jusqu'à 700 milliards d'euros d'aides aux Etats en difficulté implique nécessairement de mettre en place des conditions dans les pays qui vont bénéficier de cette solidarité», affirment José Bové, Pascal Canfin et Daniel Cohn-Bendit, députés européens Europe-Ecologie Les Verts.
Je m'interroge sincèrement sur l'authenticité de ce document, doutant sérieusement qu'il ait pu être écrit par les auteurs revendiqués. Outre de grossières fautes d'orthographe, la construction du raisonnement et surtout ses conclusions me laissent sceptique. Mais, admettons...

Peu encline habituellement à commenter les commentateurs, aussi prestigieux qu'ils fussent, je ne peux les laisser qualifier mon candidat préféré de "terroriste intellectuel" sans réagir.

Ils reprochent en effet à JLM  de "considérer comme des «traîtres» tout [sic, ndlr] ceux qui ne s’alignent pas sur ses positions et comme une «capitulation» toute recherche d’un compromis avec nos partenaires." Rien de moins.

Faut-il leur rappeler que sans JLM, le Mécanisme Européen de Stabilité et son pendant le TSCG, n'auraient fait l'objet d'aucun débat public avant sa ratification au Parlement puis au Sénat? N'est-il pas cruel d'ajouter que, sans les députés communistes, leur vote eût été tenu à main levée, dans l'anonymat et la discrétion que MM Bové, Canfin et Cohn-Bendit regrettent sans l'avouer?

Par ailleurs, nos trois "représentants", corrompus par de trop longues années de capitulations, concrétisées par, entre autres, la tiers-mondialisation de la Grèce, ne font plus aucune différence entre "compromis" et "défaite", "partenaires" et "adversaires", "terrorisme intellectuel" et "débat démocratique". Ouh, le vilain mot. "démocratique" avez-vous dit?

Je pourrais m'en tenir là, mais je vous l'ai annoncé, la critique est stimulante, la mauvaise foi détestable. Poursuivons.

Ils affirment, sans justifier, que "Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont parié sur la division qui ferait éclater la gauche européenne, et consacré l'austérité comme unique solution à la crise qui touche les pays du sud de l'Europe." J'affirme à mon tour, sans prendre la peine non plus de me justifier car ce n'est pas mon travail, que le MES a pour finalité, partagée par ses deux artisans, d'assurer les banques du remboursement de leurs prêts aux Etats, et que le TSCG, en conditionnant l'"aide" aux pays en difficulté à l'adoption de plans de rigueur, vise à imposer une politique économique unique, quelle que soit la couleur de l'équipe élue, et dont nous savons par expériences qu'elle est vouée à l'échec. Le MES et le TSCG sont les deux mâchoires d'un étau dont le prototype sévit en Grèce depuis presque trois ans!

Si par ailleurs, il "divise" la gauche, ce n'est qu'un effet secondaire sans grande importance... sauf pour MM Bové, Canfin et Cohn-Bendit. Cet argument de leur part, n'est-il pas cette fois du "terrorisme intellectuel"? On pourrait remonter le fil de cette critique, en s'interrogeant sur ce qu'est cette "gauche européenne", ses valeurs et ses vrais objectifs, au risque de l'accabler encore plus que de la diviser...


Pris soudain de certains scrupules, ils tiennent à se justifier: "Cette impasse [la situation en Grèce, ndlr], dramatique sur le plan humain, nous la dénonçons depuis deux ans. Nous avons été parmi les premiers, au Parlement européen, à proposer un plan B pour la Grèce: une annulation rapide et massive de la dette publique, une diminution drastique des dépenses militaires, une lutte acharnée contre l’évasion fiscale et l’amélioration du système de collecte des impôts, et la fin des privilèges fiscaux de l’église orthodoxe. Devant l’échec absolu du plan A, ce plan B reste plus que jamais d’actualité." Là, je perds un peu pied, je chancelle, je me frotte les yeux, je n'en crois pas mes oreilles, je m'assois. Alors donc, ils admettent longuement, et en détails, l'échec de leurs stratégies d'opposition? Difficile de prétendre le contraire en effet!


Puis vient l'analyse politique. De la part de ces spécialistes, dont la maturité, sinon la vieillesse, atteste la légitimité à témoigner, nous apprenons: "Parce que nous nous battons au quotidien pour que d’autres politiques naissent en Europe, nous en connaissons les conditions. La première est la double alternance, en France en 2012 et en Allemagne en 2013. Une majorité rose-verte des deux côtés du Rhin ouvrira la voie à de nouvelles solutions politiques aujourd’hui rejetées, pour des raisons idéologiques, par le couple Merkozy." J'étais déjà assis, mais maintenant que l'horizon s'éclaircit, je me tiens les côtes! Ainsi donc, voudraient-ils la victoire de leur camp aux prochaines élections! Sans cela, pas de salut! Ils aimeraient encore nous faire croire que l'alternance sociale-démocrate dont ils rêvent depuis si longtemps, serait une des conditions de la transformation progressiste de l'UE? Et reprochent à Mélenchon de leur compliquer la tâche! Je me pince, et me demande finalement s'ils ne sont pas des perdreaux de l'année? Entretemps, un autre coin du voile s'est levé: ils reprochent à JLM son rouge pourpre, en désaccord avec les tons rose-vert dont ils veulent repeindre les flans rouillés du navire européen, voguant depuis trop longtemps sur les flots bleus de l'océan.

Mais attendez! Maitrisez votre impatience! Je vous entends, tout haletant, crier: quelle est l'autre condition? avec les idées de démocratie, d'égalité, de justice, de solidarité, qui nous ont tellement manquées pendant trente années de social-démocratie! Je vous connais, lecteurs et lectrices assidues de ce blog!

La deuxième condition pour qu'éclosent ces nouvelles politiques est "la confiance réciproque" et "l’attention portée aux visions de nos différents partenaires." Tenez-vous bien, le concept est puissant: portés au pouvoir, mais sans la "confiance réciproque" de leurs partenaires (comprendre les gouvernements de l'UE, le FMI, la BCE...), MM. José Bové, Pascal Canfin et Daniel Cohn-Bendit demeureraient incapables d'appliquer une politique moins brutale! Dans ces conditions, je comprends mieux la défiance de JLM qui sait qu'en affaires, le pouvoir nait du rapport de forces. Eux ne l'ont pas compris, en plusieurs décennies de "combats". C'est bien pour ça que les autres sont systématiquement roulés dans la farine par la droite, au grand dam de leurs électeurs.

On lit alors, au cœur de l'argumentaire anticommunistemélenchoniste: "Or, le débat européen en France est, à gauche, mené sous une forme de terrorisme intellectuel incarné aujourd’hui par Jean-Luc Mélenchon. Il considère comme des «traîtres» tout ceux qui ne s’alignent pas sur ses positions et comme une «capitulation» toute recherche d’un compromis avec nos partenaires. [...] le chemin proposé par Jean-Luc Mélenchon est une pure vue de l’esprit. Il veut notamment permettre à la BCE de financer directement les Etats et être davantage solidaire avec la Grèce. Très bien, nous aussi."

Au début, ma modestie naturellement entretenue par de longs exercices quotidiens, s'efface dans une bouffée de fierté coupable: "En France, JLM mène le combat européen de la gauche". Et ce sont MM José Bové, Pascal Canfin et Daniel Cohn-Bendit, députés européens Europe-Ecologie Les Verts qui l'écrivent. Vous comprenez mieux pourquoi j’émis plus haut des réserves sur l’authenticité des auteurs de ce texte? Et si Eva Joly lisait parfois Médiapart? Elle en tirerait quelque raison de se mettre en colère contre ses propres "partisans", n'est-ce pas? Je me demande, si à sa place, lassée des volte-faces et autres "compromis rose-vert" qu'ils m'imposent, je ne franchirais pas le Rubicon qui me sépare à peine de ce Front de Gauche qui serait si heureux de m'accueillir!

Et ce n'est pas fini: ils qualifient la stratégie de JLM de "vue de l'esprit", l'accusent de vouloir "être davantage solidaire avec la Grèce", pour conclure: "Très bien, nous aussi." Cette fois j'en suis sûr, ce texte est un canular et une escroquerie; échappant à la vigilance de Géraldine Delacroix, de vulgaires trolls UMP ont réussi à tromper la vigilance pointilleuse de la rédaction de Mediapart. Mais leur tentative de division de la gauche rouge-rose-vert vient d'être démasquée. Les résultats de notre démonstration sont imparables: il s'agit d'un faux, d'un fake, d'un cheval de Troie. Ceci dans le but clair et précis de nous fâcher avec nos meilleurs amis, d'effacer du paysage politique un EELV qu'ils abhorrent, de renforcer la présidentialitude de Méluche, et d'enlever quelques voix à l'immense parti social-démocrate de notre pays! C'est pas joly-joly, la politique...

D'ailleurs, la suite confirme et accrédite notre thèse: "Mais, dans le monde réel, prêter jusqu'à 700 milliards d'euros d'aides aux Etats en difficulté implique nécessairement de mettre en place des conditions dans les pays qui vont bénéficier de cette solidarité."

Premièrement, dans la vraie vie, 700 milliards, ça n'existe pas. 700 milliards d'euros ne peuvent qu'être une vue de l'esprit, un nombre qui circule depuis la banque centrale vers le MES; du MES jusqu'à une ou plusieurs chambres de compensation (au Luxembourg!); des chambres de compensation vers beaucoup de banques privées; des banques privées rose-vert-bleu, vers les États dans le besoin; oui, mais: sous conditions, avec commissions, agiotitions et dividenditions à tous les étages!

Et JLM, le con, il "n’accepte aucune conditionnalité, aucun droit de regard sur les budgets nationaux."? Un enfant de trois ans ne ferait pas une bourde pareille! Oui, mais JLM, il est souverainiste. Ce n'est pas le contrôle de l'argent prêté qu'il revendique; il sait bien que tous ces cupides Arpagons, tous ces rapaces âpres aux gains n'ont pas oublié de s'en soucier! Ce qu'il souhaite, c'est que les "aides" distribuées par la France, ces milliards dont le MES se nourrira bientôt par centaines, restent sous contrôle démocratique. Ce qu'il veut, c'est que les politiques infligées aux partenaires assistés aient une petite chance de sortir les peuples du marasme. Ce qu'il exige, c'est que ces aides profitent aux humains de tous les pays, et non aux résultats nets des affameurs officiels. C'est ce que les vieillards séniles Bové, Canfin et Cohn-Bendit, ou plutôt leurs avatars umpistes, baptisent "terrorisme intellectuel".

La promenade n'est pas terminée. Car dans ce beau jardin de l'Union Européenne où éclosent des abréviations opportunément absconses, où sont taillées de savantes mesures incompréhensibles pour le non-initié et pour ses dirigeants eux-mêmes, où les chemins rectilignes et infinis sont jonchés d'obstacles arides, MM  Bové, Canfin et Cohn-Bendit nous indiquent la marche à suivre: "Dans le monde réel, aider davantage la Grèce c’est s’opposer à la politique de la Commission et du FMI quand ils veulent baisser de 20 % le salaire minimum. Mais c’est aussi soutenir la Commission et le FMI, chose par nature impossible pour Jean-Luc Mélenchon, quand ils veulent forcer les gouvernements grecs de gauche comme de droite à sortir enfin d’une attitude clientéliste qui accepte voire favorise une évasion fiscale à grande échelle." A ce stade de la lecture, ma capacité d'indignation est mille fois dépassée. Seule l'ironie me protège de la colère qui m'envahit, m'étreint, m'étouffe.

Dans l'ordre:
  1. La Commission et le FMI sont des copains de Baroin et Parisot qui veulent piquer leurs sous aux pauvres,
  2. La Commission et le FMI sont d'incorruptibles huissiers chargés d'imposer l’intérêt général à des gouvernements d'incapables,
  3. Les gouvernements de droite comme de gauche sont d'incorrigibles chasseurs de voix et passeurs de mallettes,
  4. JLM est incapable de discerner l'ange-Commission du démon-FMI, à moins que ce ne fût le contraire. Il a donc décidé une fois pour toutes de ne pas leur faire confiance. Cela incommode beaucoup ses collègues. Et cela favorise la fraude fiscale.
MM Bové, Canfin et Cohn-Bendit, je vous prie de nouveau d'excuser ces jeunes pop qui ont usurpé votre identité; vous avez eu leur âge, et en avez profité. Cela nous aura donné l'occasion de rigoler ensemble, et d'apporter un peu de bonheur au peuple Grec. A la vérité, j'aurais aimé de vos parts quelques explications détaillées de ces mécanismes et autres traités, dont même Monsieur Draghi, notre ami de Goldman-Sachs, a dit qu'ils reduisaient la souveraineté des Etats. Peut-être me serais-je moins emporté. Mais je comprends également qu'à ménager la chèvre et le  choux et à lutter contre le terrorisme comme vous vous y employez, il vous reste bien peu de temps pour la démocratie.

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