jeudi 16 février 2012

Hormone de croissance économique

Pendant longtemps, la croissance fut à la mode. Aucun économiste sérieux n'envisageait le temps qui passe sans cet accessoire indispensable, qu'il opposait toujours à l'horrible et funeste récession, promesse de tous les maux, maitresse  de l'enfer monétaire, traitresse à la bonne cause libérale. La croissance mesure l'évolution du niveau de vie, la vitalité de l'innovation, la capacité de progrès!


Dans les journaux bien informés, cela donnait: "Soutenues par une croissance à 2 chiffres, les exportations ont de nouveau augmenté leur contribution au Produit National Brut, tandis que la consommation intérieure a été favorisée par une légère augmentation des salaires, dont le coup de pouce au SMIC en juillet."

Je me souviens d'un autre OVNI économique, appelé inflation. L'inflation était synonyme d'appauvrissement, et s'opposait au franc fort. En revanche, rembourser un emprunt à 8% avec une inflation à 6% était favorable à l'emprunteur; d'où le courroux des banquiers, qui avaient tout de meme pris soin auparavant de briser le système de Bretton Woods qui garantissait les devises en étalon-or pour cavaler plus vite.

Depuis ce temps-là, les banquiers sont toujours prompts à nous rappeler comme ils nous sont indispensables: depuis que nos économies ne logent plus sous le matelas de la grand-mère, qu'on les place autre-part que dans le préhistorique bas-de-laine, qu'elles ne représentent même plus un nombre sur un relevé annuel que l'on classait et consultait à loisir, mais  qu'il ne s'agit plus que d'un montant uniquement consultable sur une page web, on a une peur bleue que la banque et ses banquiers, seuls détenteurs du nombre magique de notre épargne, ne viennent à disparaitre. Car dans ce cas, le fruit de nos années de labeur, et parfois de l'héritage familial, sombrerait corps et biens dans les méandres inaccessibles des tuyaux inter-nets.

Il fallut donc stabiliser les monnaies. Les Echos et La Tribune surveillaient en pleine page l'évolution des taux de change en des tableaux croisés à deux entrées, fort pratiques et remis à jour quotidiennement sauf les dimanche. Mais tout cela restait fort compliqué, et ne rapportait pas beaucoup aux banquiers, harassés de calculs routiniers et fastidieux pour suivre les circonvolutions facétieuses du serpent monétaire européen.

Ils imaginèrent donc l'Union Monétaire, au sein du Marché Commun, ce qui consoliderait la PAC. Bien sur, l'Européen moyen n'y comprenait déjà plus rien; c'est pourquoi il fallut lui expliquer qu'en se regroupant, les pays deviendraient plus forts, et le protégeraient de l'agressivité naturelle des spéculateurs américains et asiatiques. l'Euro faisait son chemin; les banquiers allaient pouvoir penser plus grand, et retrouver peut-être des profits comparables à ceux de la deuxième guerre mondiale!

Mais en maitrisant avec doigté la nouvelle monnaie commune, les banquiers virent la croissance fondre comme un glaçon dans la jolie bouche de ma voisine, et le chômage croitre comme.... Y-avait-il un lien entre ces précieux indicateurs?

Ensuite, les banquiers décidèrent qu'il leur faudrait renforcer un peu leur bagage scientifique et entreprirent de nouvelles expériences, admettant simultanément que le peuple n'avait plus aucune chance de comprendre, ce qui faisait gagner beaucoup de temps, et donc de l'argent. Testant ici les prêts à taux variables indexés sur le taux de change pondéré par le Libor, créant par là des conditions favorables aux financements publics de grands contrats privés, imaginant aussi la machine à blanchir et les produits dérivés, ils finirent également par ne plus rien y comprendre.

Ainsi, petit à petit, ils inventèrent l'Hormone de Croissance Économique, capable, à coup d'effet d'annonce et d'informations savamment orchestrées, de rivaliser avec les plus grands conflits mondiaux, en créant des bulles magnifiques et multicolores, qui grossissent aussi longtemps qu'ils le décident: ce furent successivement la bulle "internet", la crise des "sub-primes" et bientôt celle des "réseaux sociaux". Grâce à l'HCE, les banques continuent de surfer sur la vague scélérate des profits indus, et notre monde est merveilleux.


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