Lors du Forum "Vive la République/Libération/Marianne" à Grenoble, Michel Destot, Député Maire PS de la ville déclare:
"Les 11 gouvernements socialistes ou socio-démocrates sur 15 au pouvoir en Europe a la fin des années 1990, n'ont pas réussi à imaginer de réponses aux questions sociales, économiques et écologiques" (41', débat sur la Gauche Moderne).
Un "aveu" aussi surprenant que lucide sur l'incapacité de la gauche modérée à faire face à une situation rendue beaucoup plus complexe aujourd'hui, tant par la tétraplégie de l'État créée par son endettement et la désertification industrielle, que par l'inversion politique des pouvoirs en Europe.
Or, qu'est devenu le "réenchantement du rêve français", défendu par F. Hollande pendant les primaires?
"celui qui a permis à des générations, durant toute la République, de croire à l'égalité et au progrès. Et c'est pourquoi j'ai fait de l'école de la République la grande priorité de ce qui pourra être demain mon prochain quinquennat."
N'est-ce pas cette vision long-terme d'un monde ayant retrouvé "le bon sens" qui lui manque avant tout? Et pourquoi?
Je pense que pour adhérer à une idée ou un projet, il faut, même vaguement, en percevoir les finalités, en imaginer l'aboutissement et les progrès qui en résultent:
- "Ni Dieu, ni Maitre", si l'on est anarchiste,
- "Un monde plus juste et solidaire" si l'on est de gauche,
- "Un monde de progrès ou chacun ait sa chance de réussite" si l'on est de droite,
- "Un monde plus pur dans le respect de notre environnement" si l'on est écologiste,
- "Une France éternelle, rayonnante et souveraine" si l'on est nationaliste,
- etc...
Malheureusement, à force d'incantations au pragmatisme, au réalisme, aux dures lois de l'économie, aux menaces de la mondialisation, aux contraintes européennes, face aux peurs qu'ils brandissent en guise de programme électoral, les partis politiques eux-mêmes ont "désenchanté" les électeurs.
Les médias ne font aucune place aux intellectuels qui pourraient rappeler aux politiques leurs devoirs, leur raison d'être.
La justice est souvent mise en cause dans sa partialité lorsqu'il s'agit de traiter les affaires d'État.
Finalement, les seules promesses de bonheur semblent cantonnées aux publicités et à ces émissions "populaires" de début de soirées, qui promettent voyage, argent, voiture neuve à des candidats la plupart du temps ridiculisés par des animateurs rivalisant d'inculture.
C'est qu'entretemps s'est imposée une discipline vieille d'à peine un siècle, les Relations Publiques. Les "Relations Publiques" ont pour objectif de "donner une image
favorable à une personne physique ou morale, publique ou privée, auprès d'un public ciblé." On pourrait également les définir comme "la fabrication du consentement de l'opinion publique", ou bien comme "des relations efficaces avec des publics utiles".
Tous les hommes politiques d'envergure font appel chaque jour à leurs techniques de communication, soigneusement conçues et enseignées par des experts communicants omniprésents. Leurs relais savamment orchestrés prennent des formes aussi variées que répandues dans tous les relais d'opinions: médias, think tanks, lobbies, média-training, média-planning, instituts de sondage, lettres d'information, communiqués et conférences de presse, évènementiel... Peu de messages publics leur échappent avant d'arriver à nos yeux et à nos oreilles!
Mais, pour les Relations Publiques, le "rêve" est à double tranchant: il permet aux foules d'accepter une transition douloureuse (ex: Appel du 18 juin); il peut aussi être un inspirateur formidable d'émancipation (ex: Programme du
Conseil national de la Résistance, "Soyons réalistes, demandons l'impossible"). Par ailleurs, NS a brûlé toutes les cartouches des promesses électorales; ses mensonges ont vacciné pour un moment l'opinion publique contre tout idéalisme. Il devient donc "normal" de manier les "lendemains qui chantent" avec prudence: la Communication est à l'information ce que l'instruction est à la connaissance...
Pourquoi le Parti Socialiste devrait-il inspirer un rêve à une opinion publique parfaitement fataliste, qui se satisfera de l'éviction de son dirigeant actuel? Son application méthodique à produire des mesures concrètes aux ambitions mesurées, n'est-elle pas une réponse adaptée à la situation de crise dans laquelle l'UMP nous tient depuis 2008? La demande de JF Copé de "ne pas vendre du rêve" doit-il constituer la ligne politique 2012 du PS, comme la sécurité l'a été en 2007?
Bien évidemment, je soutiens le contraire. Ce manque d'horizon appelle l'abstention; cet immobilisme entretien l'idée "UMPS"; ce réalisme rime avec fatalisme.
De l'extérieur, la foule, fascinée, observe le mastodonte ressemblant à une formidable machine dont le carburant (les militants?), devenu très rare, est hors de prix. Elle progresse laborieusement, au prix d'un effort gigantesque et de sacrifices inhumains. La faire avancer occupe dans le plus grand secret toute l'énergie de ses concepteurs; "imaginer" sa destination n'est pas d'actualité, il faut l'empêcher de s'arrêter !
Au contraire, l'agilité du Front de Gauche à trouver des réponses innovantes et ambitieuses, à réagir instantanément aux positions concurrentes par une argumentation toujours précise, à être de (presque) tous les combats, séduit beaucoup de ceux qu'il croise sur son chemin de campagne.
Voltigeur élégant et rebelle du cirque médiatique, il n'est jamais là où l'on le croit; d'une vaste oscillation, son trapèze céleste décrit les arabesques d'un programme dont les hauteurs de vue forcent l'admiration.
Ses détracteurs en sont réduits à lui rappeler l'antique Loi de Newton; ils insistent sur la taille limitée du chapiteau; affirment que le spectacle ne peut durer infiniment. Qu'importe, les spectateurs, conquis, évincent les Cassandre avant de les plonger illico dans le goudron et de les recouvrir de plumes!
Car il est temps maintenant de bâtir partout de grands chapiteaux, et de s'entrainer sans relâche à la réalisation des prochains spectacles!
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